Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/171

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Une consternation muette fige tous ceux qui échappent au désastre.

— Est-ce que vous allez laisser mourir vos camarades sans rien tenter pour les sauver ? crie à ses volontaires Bussy qui vient d’arriver ; si vous étiez capables d’une pareille lâcheté, je briserais mon épée pour ne plus être votre chef.

Et, le premier, il court aux ruines, écarte de ses mains les pierres brûlantes, qui écrasent la poitrine d’un blessé. Ses hommes l’ont suivi sans hésiter. Bientôt les blessés et les morts sont couchés sur des brancards et emportés vers la ville.

Paradis est hébété de désespoir. Il fait sonner la retraite, pour abandonner la redoute, qui n’est plus tenable ; mais Bussy s’élance vers lui et lui saisit les mains.

— Je vous en conjure, ne donnez pas cet ordre, s’écrie-t-il ; réfléchissez ! Il faut garder le village et réparer tant bien que mal les dégâts.

— Mais c’est impossible ! dit l’ingénieur, que ferions-nous de cette ruine ? D’ailleurs, de La Touche s’apprête à faire sauter ce qui reste des remparts.

— Retenez-le ; ne faites rien sans prendre l’avis du gouverneur. Mais où est donc le commandant Law ?

— À la ville, où il conduit les prisonniers.

— Eh bien, laissez-moi, avant d’agir, aller, de votre part, consulter Dupleix.

— Soit, hâtez-vous.

Mais Paradis n’est pas convaincu, il hoche la tête, tandis que Bussy monte à cheval et part au galop.