Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/173

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rage ; il atténue autant qu’il le peut le désastre, ranime la confiance, réveille l’ardeur.

Aussi les jours, les semaines, passent sans que les assiégeants, malgré tous leurs efforts, soient encore parvenus à rien gagner sur les Français, maintenant enfermés dans Pondichéry.

Mais aujourd’hui les Anglais s’agitent d’une façon extraordinaire, il semble qu’ils se préparent à tenter un assaut décisif. C’est pourquoi le gouverneur, à cheval, fait au pas le tour de la ville, tandis qu’au-dessus de sa tête le vol sinistre des obus siffle et bourdonne. Il s’arrête parfois, l’œil à la longue-vue, et surveille attentivement les mouvements de l’ennemi. Quelques officiers marchent derrière lui, en silence.

Dans la rade, aussi près que le fond le permet, trois navires anglais sont embossés et lancent leurs projectiles ; mais la grande houle empêche la précision du tir, tandis que les canons de la place ripostent avec la plus grande sûreté. Cependant les obus tombent nombreux dans les rues désertes, et voici que, tout à coup, le gouverneur est presque repoussé par un groupe de soldats et de cipayes, qui fuient, terrifiés par une bombe arrivant sur eux ; les officiers qui suivent Dupleix voient le danger que court leur chef, lui crient de se garer ; mais lui, tranquillement, s’avance vers le projectile dont l’explosion le couvre de fumée et de poussière.

Quand le nuage s’est dissipé, il se tourne vers les soldats immobiles de surprise et d’inquiétude, et leur dit en souriant :