Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cautions pour transporter le blessé ; puis, arrivés au palais, car il s’agissait certainement d’une princesse, avec quelle hâte elle appelait le brahmane habile dans l’art de guérir, et, le pansement fait, comme elle attendait, le cœur gonflé d’angoisse, que celui qui pour l’avoir sauvée allait peut-être mourir, poussant un faible soupir, reprît connaissance.

Sans nul doute, elle était là, dans la salle au beau plafond creusé en voûte de porphyre et d’or ; agenouillée dans les coussins, elle épiait son retour à la vie. Il n’avait qu’à ouvrir les yeux, il la verrait.

Il les ouvrit.

Il vit une sorte de grange, à peine éclairée par une torche fumeuse, et cette ombre lui fut un choc très douloureux après la lumière de son rêve. Il souleva péniblement sa tête alourdie, pour voir un peu mieux.

Sous la galerie sur laquelle s’ouvrait toute une paroi de la pièce découvrant le ciel comme un rideau étoile, il aperçut deux hommes accroupis sur leurs talons et occupés à manger. Il fut surpris de la façon dont ces hommes semblaient se fuir l’un l’autre et évitaient de se regarder ; chacun à une extrémité de la galerie, ils se tournaient le dos et appuyaient, comme pour la cacher, l’écuelle où ils puisaient, contre leur poitrine. Mais ce qu’il voyait se rattachait si peu à ses préoccupations qu’il ne fit aucun effort pour comprendre et laissa retomber sa tête avec un soupir.

Aussitôt un des hommes abandonna son écuelle, se leva et, à pas discrets, s’approcha du jeune homme. Lui voyant les yeux ouverts, il dit un mot à son compagnon, qui se leva et sortit en courant.