Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/31

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les fées n’auraient pas un grand cadeau à lui faire.

Un jour, Ninette, assise à côté de sa maman, sur un coussin de tapisserie brodé par elle-même, feuilletait un livre plein de ses histoires favorites ; bientôt elle poussa un soupir comme une colombe étouffée, et jeta le volume avec un geste d’humeur et d’impatience.

— Oh ! que je voudrais, moi aussi, avoir quelque talisman merveilleux comme le miroir magnifique ou la bague du prince Chéri, qui m’avertisse quand je fais bien ou mal ; de cette façon, je serais toujours gentille, et maman ne me gronderait jamais.

Il y avait ce jour-là, chez la mère de Ninette, une dame jeune encore, mais étrangère, et, quoique parfaitement belle, d’un aspect assez bizarre. Sa figure pâle, d’un ovale un peu long, était éclairée par deux yeux d’une fixité insupportable. D’étroits sourcils d’un noir bleuâtre, qui se rejoignaient presque, donnaient à sa physionomie quelque chose d’inquiétant et qui aurait été dur sans le demi-sourire qui jouait mélancoliquement sur ses lèvres d’un incarnat très-vif. Elle était vêtue d’une robe de satin noir, et portait pour tout ornement un collier et des bracelets de corail. Le contraste de ces deux couleurs éminemment cabalistiques contribuait encore à rendre plus frappant le ca-