Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/32

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ractère surnaturel de sa figure. Dans une époque de superstition, on l’eût prise aisément pour une nonne ou pour une walkyrie. Ses mouvements majestueux et lents commandaient le respect, et, en présence de cette beauté calme et triste, les esprits les plus sceptiques recevaient une impression involontaire. Aussi n’est-il pas étonnant que Ninette eût pour la dame étrangère une vénération mêlée de terreur.

— Mais il n’y a plus de fées aujourd’hui, dit Ninette en reprenant son livre.

— Qui vous fait croire cela ? dit la dame de sa voix au timbre grave et résonnant des notes cuivrées, en laissant tomber d’aplomb son regard magnétique sur la petite fille, qui tressaillit malgré elle.

— Il faut bien qu’il n’y en ait plus, puisqu’on n’en voit jamais ; et pourtant j’aurais bien désiré en rencontrer une, au risque d’avoir un peu peur ! Une bonne fée vêtue d’une robe toute semée d’étoiles, tenant une baguette d’or fin, qui m’aurait accordé le don que je lui aurais demandé.

— Chère enfant, c’est peut-être qu’aujourd’hui les fées se font habiller chez Palmyre, comme de simples femmes du monde ; quoique fée, on aime à suivre la mode ; les robes constellées, les ceintures cabalistiques,