Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/33

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cela était bon autrefois, et la baguette, pour s’être déguisée en manche d’ombrelle, n’en est pas moins puissante.

Pendant qu’elle parlait ainsi, les prunelles de la dame semblaient s’illuminer d’un jour intérieur et lancer des éclairs, sa haute taille se redressait, et Ninette crut voir trembler autour de la mystérieuse amie de sa mère comme une espèce d’auréole.

Des visiteurs qui survinrent firent changer la conversation, et la dame au collier de corail, à la robe de satin noir, reprit un aspect ordinaire ; cependant la corde touchée en passant vibrait encore dans l’âme de Ninette ; le regard perçant de madame *** l’avait pénétrée ; elle ne pouvait s’empêcher de se dire tout bas :

— Si madame *** était une fée !

Quelques jours après, madame *** vint pour voir la mère de Ninette, qui était sortie.

Ninette, seule dans le salon, chiffonnait gaiement pour sa poupée, et lui taillait des jupons dans un vieux mouchoir de batiste que la femme de chambre lui avait abandonné. L’épaisseur du tapis avait étouffé le pas de madame ***, qui se trouva tout près de Ninette sans que cette dernière s’en aperçût, tout occupée qu’elle était de son travail. L’enfant poussa un léger cri lors-