Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/322

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barrières qui séparaient les castes furent brisées et que les classes, sans pour cela se confondre, car on ne perd pas en quelques années les habitudes de huit siècles, purent se visiter entre elles, à l’exception de quelques salons exclusifs pareils à celui que Balzac a si bien décrit sous le nom de Salon des antiques, les portes des maisons les plus difficiles s’ouvrirent à tout homme dans une position honorable, d’une éducation distinguée, même lorsqu’il ne pouvait mettre qu’un simple chiffre sur son cachet ou sa voiture ; pour élégance, on n’exigeait de lui qu’un habit noir et des gants blancs. Sans les traiter tout à fait comme des gens de la maison, on admit les banquiers, les hauts négociants, les grands entrepreneurs, les faiseurs de politique, les notaires, les artistes, et même les écrivains célèbres ; ces derniers, il est vrai, à titre de bêtes curieuses et de singes savants. On se moquait bien d’abord des nouveaux venus pour leurs airs embarrassés, leurs façons gauches de saluer, d’entrer et de sortir, cette science difficile ; on pensait en soupirant aux anciennes élégances de Versailles, dont quelques douairières seules conservaient encore les traditions ; mais peu à peu les différences devenaient moins appréciables, les vilains apprenaient, les gentils-