Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que, levant les yeux par hasard, elle vit la dame aux sourcils d’ébène debout devant elle.

— Est-ce que je vous fais peur, petite ? demanda la dame en ne se servant que des notes les plus veloutées de sa voix.

— Oh ! non, répondit Ninette d’un ton de voix peu rassuré.

— Vous vous figurez peut-être que je suis descendue du plafond, où je me tenais cachée dans le lustre ; que je suis sortie des vases du Jupon qui ornent la cheminée, ou que je viens de jaillir du plancher dans une flamme de Bengale ?

— Je ne crois pas cela ; mais j’étais si affairée à ma couture, que je ne vous ai ni vue ni entendue.

— J’ai le pas fort léger, en effet, dit madame *** avec un accent singulier ; quand j’étais à Java, dans mon pays natal, il y a des gens qui auraient juré m’avoir vue traverser un torrent sur un fil d’araignée.

À cette assertion étrange, Ninette releva son joli museau, moitié étonné, moitié crédule.

Madame *** vit qu’elle avait fait impression sur Ninette, et lui lança un regard si plein de puissance et de calme, que Ninette, subjuguée, abandonna le poupard bourré de son avec lequel elle s’essayait vaine-