Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/347

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Tout cela se fait en silence, courageusement, avec un sérieux parfait. Les élèves, qui ont besoin de tout le souffle de leurs poumons, ne l’usent pas à de vaines paroles ; on n’entend que la voix du maître qui adresse des observations aux délinquantes. « Allons donc ! les genoux arrondis, les pointes en dehors, de la souplesse ! Doucement, en mesure, ne sabrez pas ce passage ! — Aglaé, un petit sourire, montre un peu tes dents, tu les as belles. — Et toi, là-bas, tiens ton petit doigt recoquillé quand tu allonges la main, c’est marquis, c’est gracieux, c’est régence ; des mouvements ronds, mademoiselle, jamais d’angles ! l’angle nous perd. — Eh bien, Emilie, qu’est-ce c’est que cela ? nous sommes roide, nous avons l’air d’un compas forcé ; tu n’as pas travaillé hier, paresseuse : diable ! diable ! cela te recule d’une semaine. » Le maître, comme on peut le voir par ces lambeaux de phrases, tutoie toutes ses élèves, grandes et petites : c’est l’usage.

La danseuse est comme Apelles ; elle doit dire : Nulla dies sine linea. Si elle reste un jour sans travailler, le lendemain, ses jambes sont prises, les articulations ne jouent pas si facilement ; il lui faut une leçon double pour se remettre : depuis l’âge de sept ou huit ans, elle fait tous les jours les mêmes exercices. Pour danser