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Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/348

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passablement, il faut dix ans d’un travail non interrompu.

La leçon finie, le rat va s’asseoir sur la banquette, s’enveloppe soigneusement pour ne pas prendre froid, et, avant de rentrer dans le vestiaire, laisse errer un regard sur ses compagnes qui dansent encore, ou sur le petit jardin que l’on aperçoit de la fenêtre. Ce sont des pots d’aloès et de plantes grasses posés sur un rebord de pierre, des géraniums écarlate et des lianes grimpantes, pourprées et safranées. Ce coin de verdure égaye un peu la vue. Hélas ! ces fleurs sont peintes, c’est un morceau de décoration que l’on a cloué sur le mur pour simuler un jardin : ce petit jardin, si frais et si riant à travers la vitre enfumée, est une coulisse d’opéra, une impitoyable ironie !

Haletante, trempée de sueur, les pieds endoloris, la danseuse rentre dans le vestiaire, se dépouille de son costume, change de linge et se rhabille. On a dit que la vie de la femme pouvait se résumer en trois mots : elle s’habille, babille et se déshabille. Cela est vrai, surtout de la fille d’Opéra.

Maintenant, c’est l’heure de la répétition ; il faut encore mettre bas la robe de ville pour endosser la tunique de la danseuse. La répétition dure jusqu’à trois