Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/36

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portantes, et non dans un motif de vaine curiosité. Sans cela, il deviendrait bientôt muet. Si, dans la journée, vous avez fait quelque chose de répréhensible, il n’attendra pas que vous l’interrogiez, il prendra la parole de lui-même ; mais ne dites rien de ceci à personne, les fées aiment la discrétion, et qui ne sait pas garder un secret, n’est pas digne de leurs faveurs.

La mère de Ninette rentra, et la conversation en resta là.

Nous vous laissons à penser si la journée parut longue à la pauvre fille ; elle comptait les heures, les minutes ; ses petits pieds frémissaient d’impatience sur les bâtons de sa chaise ; elle répondait à peine à ce qu’on lui disait, ou bien elle répondait tout de travers. Elle crut que le soleil voulait passer la nuit ce jour-là. Enfin, neuf heures sonnèrent, et jamais Ninette n’avait trouvé le timbre plus clair, plus joyeux, plus argentin.

Elle monta dans sa chambre sans se faire prier, et, lorsque sa bonne se fut retirée, elle entr’ouvrit les rideaux de son lit d’une main tremblante d’émotion…

Ô prodige ! bien que personne ne fût entré dans la chambre de Ninette, l’oreiller magique se trouvait là, délicatement posé sur le traversin. Au reste, rien qu’à le voir, on comprenait que ce n’était pas un oreiller