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Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/39

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tenait un petit enfant debout sur son genou ; l’enfant avait comme des marques dans les mains et une raie rouge au côté. Il regardait Ninette d’un air si amical et si doux, qu’il lui semblait retrouver le frère qu’elle n’avait jamais eu. La divine mère, laissant tomber son regard ineffable sur Ninette, lui dit :

— Si tu es bien sage, tu joueras éternellement dans le jardin du paradis avec mon fils, et tu auras des ménages d’or fin et de cristal de roche, des jeux de toute sorte, si bien peints, si bien vernis, que les enfants de rois n’en ont jamais eu de pareils ! Tu pourras les casser tous les jours sans qu’ils cessent d’être tout neufs et tout entiers.

Ces beaux rêves conduisirent agréablement Ninette jusqu’au réveil. Jamais elle ne fit mieux ses devoirs, n’étudia ses leçons avec plus de soin que ce jour-là. Jamais les points de sa couture ne furent plus égaux et plus nets ; car le travail des mains, tout humble qu’il est, ne doit point être méprisé par une jeune fille chrétienne, même quand elle est dans une position à n’en pas avoir besoin.

Nous ne rapporterons pas toutes les conversations de Ninette avec son oreiller, cela serait trop long ; nous en choisirons seulement quelques-unes.