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Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/40

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Un jour, c’était l’hiver, il avait tombé beaucoup de neige pendant la nuit, tout le parc était enfariné : les arbres, emmaillotés d’une peluche blanche, avec leurs rameaux déliés et brillants, faisaient l’effet d’un immense ouvrage en filigrane d’argent. Le froid était vif, et les oiseaux, sautillant sur la neige, y marquaient de petites étoiles avec leurs pieds. Ninette, pour aller à l’église, s’enveloppa de sa palatine à bordure de cygne, mit ses mains dans son manchon, où se trouvaient déjà son livre de messe et son mouchoir, et fit le trajet sans s’apercevoir autrement de la rigueur de la saison que par le baiser un peu âcre de la bise sur sa joue.

À quelque distance de l’église, au coin d’une borne, sur quelques brins de paille qu’il avait ramassés, grelottait un enfant, à peine couvert de misérables haillons, dont les trous laissaient voir la chair nue. Il tenait dans une de ses mains ses pieds rouges de froid, pour tâcher de se réchauffer un peu ; il tendait l’autre, en tremblant, aux gens qui passaient.

Quand Ninette fut devant lui, il répéta sa prière d’un ton lamentable :

— Ma chère demoiselle, la charité, s’il vous plaît !

Ninette eut d’abord envie de s’arrêter ; mais il fallait