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Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/42

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ment de la messe ? Mais croyez-vous que le bon Dieu vous en aurait voulu ? Qui travaille, prie ; qui fait l’aumône, prie pour lui-même et pour la personne qu’il aime le mieux. D’ailleurs, ce n’était pas pour être exacte, à vos devoirs religieux que vous marchiez si vite, c’était pour être placée au premier rang, afin qu’on vît la palatine de satin bordée de cygne que votre bonne mère vous a donnée.

L’oreiller disait vrai, car la Javanaise aux sourcils d’ébène lui avait donné le pouvoir de lire couramment au fond des âmes. Ninette, confuse et repentante, s’endormit l’esprit troublé, le cœur gros, d’un sommeil agité et pénible comme celui des mauvaises consciences.

Elle fit des rêves affreux, lugubres. Il lui semblait voir le petit mendiant sur ses quatre brins de paille ; le ciel était tout noir et la neige descendait à flocons pressés ; la couche épaississait toujours sur le malheureux, qui finit par être presque entièrement recouvert. Ninette essayait de dégager le pauvre enfant ; elle jetait avec ses mains la neige à droite et à gauche, sans pouvoir y réussir ; elle-même commençait à s’enfoncer, et le lit glacial lui montait déjà jusqu’aux genoux. Enfin il passa une dame vêtue d’une tunique