Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/136

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pommiers, les pêchers aux fleurs roses, les cerisiers couverts de fleurs pourpres, se courbent, se tordent, projettent de toutes parts leurs branches sombres dont la rudesse contraste avec la fragilité des pétales ouverts.

Au centre du verger, on a étendu un grand tapis sur l’herbe, et une draperie de satin rouge soutenue par des mâts dorés palpite au-dessus. La collation est disposée sur ce tapis dans des porcelaines précieuses.

C’est avec plaisir que les convives s’accroupissent devant les plateaux chargés de mets délicats ; la promenade a donné à tous de l’appétit. Les femmes s’installent en deux groupes à droite et à gauche de la Kisaki ; les hommes s’établissent en face d’elle à une distance respectueuse.

La plus franche gaieté règne bientôt parmi la noble réunion : le rire jaillit de toutes les lèvres ; on cause bruyamment et personne ne prête l’oreille aux mélodies que fait entendre un orchestre, masqué par un paravent en fibres de roseau.

Seule, Fatkoura garde un visage sombre et demeure silencieuse. La princesse Iza-Farou l’examine à la dérobée avec une surprise croissante, elle considère aussi de temps à autre le prince de Nagato, qui semble absorbé par une rêverie pleine de douceur, mais ne tourne jamais les yeux du côté de Fatkoura.

— Que se passe-t-il donc ? murmure la princesse, il est certain qu’il ne l’aime plus moi qui croyais les noces si prochaines !

La collation terminée, la Kisaki se lève :

Maintenant, dit-elle, au travail que chacun de nous s’inspire de la nature pour composer un quatrain en caractères chinois.

On se disperse sous les arbres du verger ; chacun s’isole et réfléchit, les uns arrêtés devant une branche