Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/187

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— En vérité, dit Raïden qui se releva et frotta ses genoux souillés de poussière, tout cela est fort beau, mais je préfère n’être qu’un matelot et marcher à ma guise sans cet attirail encombrant.

— Tais-toi donc, dit un autre, tu vas fâcher le seigneur.

— Il partage sans doute mon avis, dit Raïden, puisque, étant prince, il s’est fait matelot.

On gagna le plus prochain village, et avant d’avoir interrogé qui que ce fût, on était amplement renseigné sur ce qu’on voulait savoir. Plusieurs bourgs voisins immigraient dans celui-là. Les rues regorgeaient de monde, de chariots, de bestiaux. Un formidable brouhaha s’élevait de cette foule d’hommes et d’animaux. Les buffles, effrayés, beuglaient, s’écrasaient les uns les autres ; les pourceaux, sur lesquels on trébuchait, poussaient des hurlements aigus ; les femmes gémissaient, les enfants pleuraient ; et le récit des événements, toujours recommencé, courait de groupe en groupe.

— Ils ont pris l’île de la Libellule !

— En face de Soumiossi, on les voit de la côte. Les habitants de l’île n’ont pas pu fuir.

— Ils sont venus sur trois jonques de guerre, trois belles jonques dorées par places, avec des mâts très-hauts et des banderoles qui flottent de tous côtés.

— Ce sont les Mongols ? demandaient quelques vieillards qui se souvenaient confusément de guerres anciennes, d’invasions étrangères.

— Non, c’est le régent qui veut faire mourir le siogoun.

— Combien de soldats a-t-on vu débarquer dans l’île ? demanda Kaïden qui s’était glissé parmi la foule.