elle se soulève sur un coude et plonge ses doigts menus dans les flots noirs de sa chevelure. Non loin d’elle, une suivante, accroupie à terre, joue avec un joli chien d’une race précieuse, qui ressemble à deux houppes emmêlées de soies noires et blanches. Un gotto, instrument de musique à treize cordes, une écritoire, un rouleau de papier, un éventail et un coffret plein de sucreries, sont épars sur le sol, qu’aucun meuble ne masque. Les murs sont revêtus de bois de cèdre, découpé à jour ou couvert de peintures, brillantes rehaussées d’or et d’argent ; des panneaux, à demi tirés, forment des ouvertures par lesquelles on voit d’autres salles et, plus loin, d’autres encore.
— Maîtresse, tu es triste, dit la suivante. Veux-tu que je fasse vibrer les cordes du gotto et que je te chante une chanson pour te désennuyer ?
La maîtresse secoua la tête.
— Quoi reprit la suivante, Fatkoura n’aime plus la musique ? A-t-elle donc oublié qu’elle lui doit de voir la lumière du jour ? Puisque, lorsque la déesse Soleil, courroucée contre les dieux, se retira dans une caverne c’est en lui faisant entendre pour la première fois la divine musique qu’on la ramena dans le ciel !
Fatkoura poussa un soupir et ne répondit rien.
— Veux-tu que je te broie de l’encre ? Voici longtemps que ton papier demeure aussi intact que la neige du mont Fousi. Si tu as une peine, jette-la dans le moule des vers, et tu en seras délivrée.
— Non, Tika, on ne se délivre pas de l’amour, c’est un mal très ardent qui vous mord jour et nuit et ne t’endort jamais.
— L’amour malheureux peut-être ; mais tu es aimée, maîtresse ! dit Tika en se rapprochant.