Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/88

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dont le visage s’empourpra de colère ; tu veux apparemment pousser le pays vers sa ruine ?

— J’ai parlé avec douceur, reprit Mayada, ne me force pas à prendre un autre ton.

— Tu veux qu’un enfant sans expérience, continua Hiéyas sans prendre garde à l’interruption, vienne, avant de s’être exercé d’abord au métier formidable de chef d’un royaume, prendre le pouvoir en mains ; c’est comme si tu mettais un lourd vase de porcelaine entre les mains d’un nouveau-né : il le laissera tomber à terre et le vase se brisera en mil ! e morceaux.

— Tu insultes notre siogoun ! s’écria le prince de Sataké.

— Non, dit Hieyas, Fidé-Yori lui-même sera de mon avis. Il faut que je l’associe lentement à mes travaux et que je lui indique les solutions possibles des questions pendantes. S’est-il jamais occupé des affaires du pays ? Sa jeune intelligence n’était point mûre encore, et j’ai su lui éviter les ennuis du gouvernement. Moi seul je possède les instructions du grand Taïko et moi seul je puis poursuivre l’œuvre gigantesque qu’il a entreprise. L œuvre n’est pas achevée encore. Donc, pour obéir à ce chef vénéré je dois, malgré ton avis retenir entre mes mains le pouvoir qui m a été confié par lui ; seulement, pour te montrer combien je tiens compte de tes conseils, dès aujourd’hui le jeune Fidé-Yori prendra part aux graves occupations dont jusqu’à présent j’ai porté seul le poids. Réponds, Fidé-Yori, ajouta Hiéyas ; proclame toi-même que j’ai parlé selon ton cœur.

Fidé-Yori tourna lentement son visage très pâle vers Hiéyas et le regarda fixement.

Puis après un instant de silence, il dit d’une voix un peu tremblante, mais pleine de mépris :