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le collier des jours

j’étais enveloppée de cette solitude et de ce silence, je m’immobilisais dans des rêveries singulières : la petite personne intérieure, qui ne communiquait jamais ses idées, commençait à divaguer.

Je n’avais jamais dit — à qui l’aurais-je dit d’ailleurs ? — l’impression intense que me produisait cette partie du vieux Montrouge, où je venais rarement, avant mon entrée chez Mlle  Lavenue. Il me semblait, confusément, que tout un monde invisible devait habiter dans cette atmosphère ; ceux pour qui avaient été construits ces grands murs sombres, clôturant de mystérieux jardins et ces demeures hautaines, qui, certes, n’étaient pas faites pour les êtres qui y logeaient à présent.

Je regardais les tournants des allées, m’attendant à voir s’avancer quelque personnage du passé, qui ne devait plus craindre de se montrer, puisqu’il n’y avait que moi. Je croyais entendre des chuchottements, des froissements d’habits et j’étais profondément intéressée, par je ne sais quoi que les choses semblaient me raconter. On eût dit que l’air avait été comme aimanté, par toutes les pensées qui avaient bouillonné dans cet espace, et qu’il en gardait un fluide subtil, dont le magnétisme était perceptible peut-être à la sensibilité toute neuve d’un cerveau d’enfant.