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le collier des jours

présentée seulement par une remplaçante provisoire. La gloire, les triomphes nouveaux, la retenaient en de lointains pays ; mais il était bien entendu que je ne pouvais pas avoir d’autre marraine qu’Elle : l’Étoile, la fée, la diva, Giselle, enfin ! que le monde entier acclamait. Carlotta Grisi était ma tante ; mais cela ne suffisait pas, une marraine est bien mieux située pour transmettre des dons… Si elle pouvait me donner de danser comme elle !…

Ma mère gardait une foi superstitieuse en sa sœur, qui avait été comme le bon génie de la famille, et, dès l’âge de neuf ans, par son talent précoce, l’avait aidée à sortir de situations difficiles.

Pour mon père, qui, aux débuts à Paris de la jeune danseuse, avait composé pour elle le fameux ballet de Giselle, considéré aujourd’hui encore, comme le ballet idéal, elle représentait un premier et magnifique succès au théâtre, avec toutes ses conséquences flatteuses ; sans compter l’aisance accrue, par lui, au point de permettre voitures et chevaux ; splendeurs fragiles, d’ailleurs, qui s’étaient écroulées au souffle rude de la Révolution de 48, mais dont le souvenir demeurait lumineux et devenait de plus en plus aigu et poignant, dans les jours mauvais, et à mesure que le temps épaississait le voile des regrets. Carlotta, c’était toujours Giselle, et