Aller au contenu

Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
128
le collier des jours

l’ivresse ancienne des succès, liés aux triomphes de la Wili, s’évoquait à ce seul nom et ne finissait pas. Mon père a fait d’elle bien des portraits, tant avec sa plume qu’avec ses crayons et ses pinceaux :

« Carlotta, malgré sa naissance et son nom italiens, est blonde ou du moins châtain clair, elle a les yeux bleus, d’une limpidité et d’une douceur extrêmes. Sa bouche est petite, mignarde, enfantine, et presque toujours égayée d’un frais sourire. Son teint est d’une délicatesse et d’une fraîcheur bien rares : on dirait une rose thé qui vient de s’ouvrir… »

C’est ainsi qu’elle est dans la vie réelle ; mais lorsqu’il la voit au théâtre, dans l’éblouissement des lumières, incarnant les types rêvés, il prend la lyre pour la chanter :

« Comme elle vole, comme elle s’élève, comme elle plane ! Qu’elle est à son aise en l’air ! Lorsque de temps à autre, le bout de son pied vient effleurer la terre, on voit bien que c’est par pure complaisance, et pour ne pas trop désespérer ceux qui n’ont pas d’ailes. Elle est la danseuse aérienne que le poète voit descendre et monter l’escalier de cristal de la mélodie dans une vapeur de lumière sonore ! Elle parvient sans vaciller jusqu’à la dernière marche de cette échelle de filigrane d’argent que le musicien lui dresse, comme pour mettre au défi