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le collier des jours

jeta dans les bras de la marquise et embrassa aussi Carlotta, qui lui dit :

— Ma chère sœur Sainte-Madeleine, voici ma filleule ; elle ne sera pas dans votre classe, mais vous serez tout de même sa petite maman, n’est-ce-pas ?…

Je ne fus pas frappée, alors, par l’étrangeté de cette entrée au couvent, dans les bras d’une danseuse de l’Opéra, et accompagnée d’une aussi mirobolante marquise.

D’autres religieuses s’étaient jointes au groupe et on visitait la cour des élèves, enfermée entre des constructions banales ; puis on pénétra dans le jardin particulier des sœurs. Là, des allées sablées de gravier, de longues plate-bandes bordées de buis, des arbres fruitiers, des espaliers, et comme ornement remarquable, une treille, qui s’étendait sur tout un côté et formait une galerie de verdure.

Concentrée en moi-même, je ne répondais pas un mot aux questions que l’on me posait, ni à toutes les amabilités dont on m’accablait, pour endormir mon ressentiment. J’étais comme la bête capturée, qui juge inutile de se débattre, et que l’on croit domptée. Mais je mesurais de l’œil la hauteur des murs, je scrutais la nature des pierres, la disposition des branches ; les espaliers me semblaient devoir former des échelons favorables à l’escalade ; les