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le collier des jours

tessons de bouteilles dont les crêtes se hérissaient, ne m’effrayaient guère, je croyais savoir les éviter, et des têtes d’arbres dénonçaient des jardins mitoyens et m’indiquaient le chemin de la liberté. Il faudrait cependant, je le pensais bien, de la ruse et de la patience.

Déjà je dressais un plan dans ma tête : si je pouvais me cacher, j’attendrais jusqu’au lendemain matin, alors, je me sauverais.

Pour faire se relâcher un peu la surveillance, j’eus l’air de m’intéresser aux fleurs ; d’avoir envie de courir. On favorisa tout de suite cette apparence d’apprivoisement.

— Va, cours, amuse-toi dans le jardin, me dit-on.

J’allai d’abord en avant, puis je restai en arrière du groupe qui continuait à marcher, et me ménageait, en réalité, une sortie furtive, qui éviterait les adieux.

Je le vis repasser la porte du jardin, qu’une des sœurs ferma à clé.

Vite, je regardai autour de moi. J’étais bien seule, mais le jardin n’offrait pas de recoins où se cacher, les arbres fruitiers n’étaient guère touffus ; seuls, les ceps emmêlés et les feuilles de vigne de la treille formaient un réseau épais.

Il me fut bien facile de grimper extérieurement sur le treillage ; mais la partie plate, qui