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le collier des jours

obligées pour gagner leur réfectoire, de traverser le nôtre, et chacune passait ainsi devant la criminelle.

Je les regardais en dessous — tandis qu’elles laissaient tomber sur moi un regard de commisération — très intéressée par leurs allures et leurs attitudes diverses : le voile baissé, pour mieux garder leur recueillement  : l’une se balançait comme au rythme de quelque cantique ; l’autre ne se balançait pas, mais levait la tête avec des yeux extatiques ; beaucoup tenaient leurs mains contre leur poitrine, jointes par les paumes ; plusieurs égrenaient le rosaire, et le bourdonnement sourd de toutes les voix était traversé de sons rauques, comme sanglotés, de soupirs flûtés et de notes aiguës, aussitôt éteintes.

Quand le dernier voile avait disparu, il fallait baiser la terre, avant de se relever. On m’avait heureusement indiqué le moyen d’esquiver, par un subterfuge, cette désagréable opération : on baisait sa propre main, et cela revenait au même puisque nous ne sommes que poussière…