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le collier des jours

sœur Fulgence était certainement éloquente, car sa parole me communiquait son enthousiasme et m’ouvrait tout un monde magnifique.

Malheureusement, la seconde partie de l’enseignement n’était pas à la hauteur de la première : assise devant le piano, je ne savais plus du tout ce que le professeur voulait de moi. Sa façon d’enseigner me rappelait assez la manière dont j’apprenais à lire à ma camarade de Montrouge : Nini Rigolet ; elle me disait : « Jouer », tandis que je n’avais aucune notion, ni d’exécution, ni de lecture musicale. Le morceau qu’elle plaçait sur le pupitre, n’eût pas été facile, même pour une élève déjà forte c’était une pièce de concert intitulée : La Ronde des Porcherons, et pour moi, naturellement, absolument indéchiffrable. Il y avait aussi une polka, hérissée de dièzes : Fleur des champs et fleur des salons, qui m’intéressait davantage, à cause de l’image gravée sur la couverture, mais je ne voyais pas plus loin.

la sœur Fulgence insistait. Après avoir résisté longtemps, je me mettais à taper, au hasard, sur le clavier et à donner même des coups de pied dans la caisse. La leçon finissait mal. La maîtresse, qui avait sa méthode à elle, pour enseigner, avait aussi une façon spéciale de châtier, et là, les exemptions n’avaient pas cours.