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le collier des jours

devait pas avoir beaucoup plus de seize ans, et on ne s’expliquait pas comment, si jeune et si rapidement, elle était novice. Petite, potelée, très brune avec le teint blanc et mat, elle était jolie, malgré un regard extraordinairement dur et un visage dédaigneux, comme crispé. Elle ne parlait presque pas, et on nous disait que c’était par timidité.

Un jour, qu’elle était assise auprès de moi, tandis que, les mains inertes sur le clavier, je méditais, de plus en plus perplexe, devant la Ronde des Porcherons, je fus étonnée du silence prolongé de ma surveillante et je crus qu’elle s’était endormie.

Brusquement, je me retournai. Je vis alors qu’elle regardait fixement le sol, sans rien voir, et que son visage était inondé de larmes, avec une effrayante expression de désespoir.

— Oh ! qu’est-ce qu’on vous a fait, pour que vous pleuriez comme cela ?… m’écriai-je, en quittant ma place pour m’agenouiller devant elle et l’entourer de mes bras.

Elle voulut me repousser, mais les sanglots l’étouffaient et lui ôtaient toute force.

J’étais si bouleversée que j’avais envie de pleurer aussi.

— Je suis sûre qu’on veut vous faire religieuse par force…

— Ah ! cela, ils ne le peuvent pas, s’écria-