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LVIII




Je fus vite accoutumée à cette vie libre, animée et irrégulière, si différente de celle que je quittais. Ma mère allait souvent aux répétitions du Théâtre-Italien, et la gentille Marianne, au baragouin si drôle, était chargée de nous garder, ma sœur et moi. Mais mon père, qui terminait Le Roman de la Momie, restait à la maison et je me tenais le plus que je pouvais près de lui. Très curieux l’un de l’autre, nous faisions tout doucement connaissance. Il portait alors les cheveux très longs et soignait beaucoup sa barbe, très légère, qu’il avait laissé pousser, je crois, depuis peu de temps.

J’aimais beaucoup le son de sa voix, et sa façon de s’exprimer, qui me paraissait si extraordinaire. Je l’écoutais, en le regardant de tous mes yeux ; ces phrases tonnantes, ces mots excessifs, me faisaient croire, d’abord, qu’il était fâché ; puis, voyant qu’il souriait, je riais