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le collier des jours

avec Marianne, la cuisinière ayant congé. Malgré nos protestations, le plat principal de notre diner était toujours une soupière pleine de riz au lait, que nous détestions ; je ne sais pourquoi, ma mère y tenait spécialement et ne s’en allait que quand nous étions assises à table devant nos assiettes garnies de cette pâtée gluante. Dès que nous jugions nos parents assez loin, nous courions à la cuisine, par le long couloir qui y conduisait, et nous nous acharnions à faire passer tout le riz au lait par le trou de l’évier, ce qui était laborieux ; mais cela représentait une espèce de vengeance contre le mets détesté. Marianne nous confectionnait quelques beignets subreptices et, aussitôt le dîner fini, allait chercher un livre. C’était elle qui le choisissait. Les romans de · George Sand avaient ses préférences, ils l’attendrissaient au dernier point. Valentine surtout lui fit verser d’abondantes larmes. Et c’est ainsi que, pour faire plaisir à cette douce et sentimentale Alsacienne, j’ai lu, avant le temps, toute l’œuvre de la grande Française.