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le collier des jours

le pion qu’il détestait. Avec une malice diabolique, il glissait, dans un thème latin, quelque faute rare, difficile à remarquer pour un savant médiocre, et, quand le maître avait déclaré que le thème était sans faute : « Vous vous trompez, s’écriait l’élève, devant toute la classe attentive, il y a une faute dans mon thème, et la voici. Je l’y ai mise exprès, pour démontrer que vous ne savez pas ce que vous enseignez. »

On peut juger de ce qu’était cette haine. Jamais mon père ne parlait de ce pion sans pâlir de colère, et il redisait souvent, — il l’a même écrit — que s’il se trouvait en sa présence, après si longtemps, il lui sauterait à la gorge.

Donc, il ne voulait pas plus du pensionnat que du couvent. Restait l’institutrice. On commençait à y songer.

Quand il en trouvait le temps, mon père nous faisait bien quelques dictées, admirables et instructives ; nous donnait des leçons à apprendre, des devoirs à écrire ; mais livrées à nous-mêmes, nous les faisions tout de travers, ou pas du tout. Alors, il s’efforçait de nous persuader, à l’aide de raisonnements, car il s’élevait contre les taloches, punitions et brusques réprimandes, qu’il trouvait inefficaces et cruelles. Nous asseyant chacune sur un genou, il nous faisait de la morale, et nous démontrait, par des exemples saisissants et des