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le collier des jours

Dans cette chambre, triomphait l’élégant acajou, qui contrastait avec le ton clair des boiseries grises.

Bien vite, le chapeau retiré et les politesses faites, j’avais trouvé le damier et je le posais devant la maîtresse du logis. Alors, très gaîment, avec une patience charmante, elle s’efforçait de m’apprendre à jouer aux dames.

Quelquefois il arrivait des visites, le plus souvent c’était Mme R… avec sa fille, Marie ; elles venaient aussi pour voir mon père, qui était le parrain de Marie.

— C’est mieux que la filleule des fées, disait Mme R… C’est la filleule du génie !

Vers l’heure du dîner, lassée de rester sur ma chaise, à écouter les conversations, j’allais faire un tour à la cuisine. La bonne me faisait goûter les plats, et je l’aidais à finir de mettre le couvert. Bientôt, M. B… arrivait, souriant, pressé, avec ses favoris courts, son gilet bien tendu sur son ventre où la chaîne d’or mettait un double feston. Il entrait un instant dans son cabinet, à gauche de la salle à manger, pour déposer son chapeau et sa canne ; puis il revenait avec un bougeoir. Il s’agissait d’aller à la cave, choisir le vin ; la bonne prenait un porte-bouteilles en osier et une grosse clé, et nous descendions tous les trois. Elle passait devant ; ses manches blanches, son grand ta-