Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/116

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Kang-Shi, qui n’avait pas encore tourné la tête, tressaillit à la piqûre du fer, un rubis limpide vint se mêler aux pierreries de sa robe. Il se leva brusquement, et le lourd trône de bronze se renversa avec un retentissement terrible.

Yo-Men-Li, évanouie, roula sous la table, dans les grands plis de la nappe. Les mandarins précipitèrent leurs fronts vers le parquet, et les serviteurs, épouvantés, s’enfuirent en poussant de grands cris, tandis que le Chef des Eunuques, faisant mille contorsions de douleur, voulait palper la poitrine de son maître ; mais Kang-Shi le repoussa violemment.

Il regarda avec mépris Koang-Tchou courbé et frissonnant d’épouvante.

— Traître ! s’écria-t-il, tu oses t’attaquer au Ciel même, toi que le Ciel a élevé jusqu’à lui ! Pendant qu’il répandait vers toi les rayons éblouissants de sa splendeur, tu méditais un crime odieux ! Mais le Ciel est invincible, et il va faire tomber sur ta tête ses tonnerres et t’écraser.

— Grâce ! divin seigneur, soupira le mandarin.

— Peux-tu tenir à une vie si misérable et si infâme ? dit l’empereur, les lèvres crispées de dégoût. Avant de te la prendre je te ferai subir de nombreuses tortures, afin que tu confesses les profondeurs de ton crime ; ensuite tu mourras de la Mort Lente.

Les mandarins se relevèrent, dénouèrent rapidement la ceinture, faite de cordonnet blanc et nommée Pei-taï, qu’ils doivent porter enroulée à leur taille quand ils sont de service au palais, et, saisissant le