Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/219

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de pierres et formait des ombres singulières que la clarté bleue de la lanterne contrariait ou redoublait. Ce lieu avait été jadis un vestibule. Le plafond ployait dangereusement ; une porte qui conduisait à la salle principale de la pagode était debout ; mais des murs abattus formaient devant elle de petites collines. Ko-Li-Tsin monta sur les débris encore chauds, et tendit la main à Yu-Tchin qui les escalada à son tour ; perdant l’équilibre, elle tomba sur le poète, et tous deux roulèrent dans le temple même, au milieu d’un grand fracas de pierres croulantes. Ils ne se firent d’autre mal que de se meurtrir un peu les genoux et les mains. Yu-Tchin n’avait pas lâché sa lanterne ; après avoir eu peur, elle riait dans les décombres. Ko-Li-Tsin se mit à rire aussi ; mais il chercha longtemps la pioche, qui avait bondi au loin.

Un jour pâle régnait dans l’enceinte autrefois somptueuse, car de minces filets de jour descendaient comme une pluie par les fentes des toits calcinés. Le sol était couvert de cendres. Les statues des Pou-Sahs de bronze avaient fondu et coulé en ruisseaux sombres. Toute une partie du plafond, effondrée, laissait passer par son bâillement déchiqueté les planchers et les toitures des étages supérieurs. Des lambeaux de balustrades dorées s’allongeaient comme des bras hagards ; des dragons, des lions de marbre blanc, souillés de suie, s’appuyaient sur des poutrelles brisées et prêtes à s’affaisser ; des cassolettes, des vases en métal, des autels de jade et des tronçons de