Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/241

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suppliants du pied, et, repoussant les lourds verrous, il ouvre largement la porte et abaisse l’arche volante du pont. Alors toute l’armée forcenée des Chinois envahit la ville, comme un fleuve déborde, et se presse d’un si farouche élan que plus d’un soldat tombe et meurt, écrasé sous les pieds de ses compagnons. Les Tartares fuient vers le centre de la ville, mais les rebelles, plus rapides qu’eux, les saisissent, les jettent à terre et, du genou, leur écrasent la poitrine.

— Grâce ! pitié ! crient les misérables ; nous vous dirons où sont nos richesses et où habitent nos jeunes filles aux cheveux longs.

— Nous saurons bien les trouver sans vous, disent les soldats en ricanant ; et, enfonçant dans la bouche des Tartares leur large glaive, ils montrent à leurs yeux mourants des faces féroces aux sourcils dressés, aux poils hérissés.

Quelquefois ils étranglent lentement les vaincus ou se plaisent à leur crever les yeux, à leur couper le nez, la langue, les oreilles, et à les abandonner vivants.

Puis ils se précipitent sur les habitations, brisent les murs, font voler les portes en éclats. À l’intérieur, les vieillards vénérés se tordent les bras et arrachent leur barbe pure, les épouses, les jeunes filles se jettent dans les citernes ou s’étranglent à demi de leurs longues nattes mêlées de perles, et bientôt, sous des sabres sacrilèges, les têtes des vieillards s’entr’ouvrent et pleurent du sang sur leurs barbes blanches, les femmes, mourantes, sont relevées outrageusement, puis, lorsqu’une maison est de toutes part sac-