Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

suprêmes et les convulsions du loup faisant tressauter l’oiseau ; enfin, celui-ci leva sa tête fière, referma ses ailes, et se tint immobile. Alors, les cavaliers, faisant éclater les flûtes, les tcha-kias et les sangs, descendirent la colline et se réunirent autour du cadavre du loup. On appela l’oiseau, qui revint se poser sur le poing de son maître, et tous les chasseurs, descendus de cheval, se couchèrent sur les fleurs, au bord du lac, pour se reposer et pour boire.

— Allons ! dit le grand cavalier, qu’on donne à manger à mon épervier ! Il a bien gagné sa nourriture. Si tous les Chinois de mon empire accomplissaient leurs devoirs comme ce noble oiseau accomplit le sien, la cangue et le bambou deviendraient superflus.

— En effet, magnanime seigneur, répondit un mandarin à globule rouge, bien peu d’hommes valent ton oiseau favori.

L’empereur remit l’animal à deux fauconniers qui s’approchèrent, puis il regarda autour de lui le paysage.

— La ravissante vallée ! dit-il ; quelles rougeoyantes collines ! Elles méritent bien leur nom de Montagnes Fleuries, car ici le sol est un parterre brillant, le vent un parfum, le son une musique. Qu’il serait doux de vivre en ces lieux, exempt de soucis et d’attachement, car Lao-Tze a dit : « La perfection consiste à être sans passions pour mieux contempler l’harmonie de l’univers. »

Et Kang-Shi, rêveur, s’éloigna lentement de ses