Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

douleur en voyant l’air de lassitude et de renoncement qui enveloppait son jeune fils. Ses joues avaient maigri ; son beau front était devenu grave comme celui d’un vieillard ; ses yeux étaient noircis par l’insomnie, et les coins de sa bouche s’abaissaient désespérément. Il avait la démarche nonchalante et indécise des gens ivres d’opium.

— Il veut mourir, se dit l’empereur, il veut se faire tuer dans le combat. Mon fils, ajouta-t-il tout haut, votre santé semble réclamer le repos et la compagnie du médecin plutôt que l’activité du combat et le voisinage des dragons de bronze. Je ne voudrais pas, au milieu de toutes mes douleurs, avoir à pleurer le plus cher de mes fils.

— Ô mon père ! dit le prince Ling, tu me pleureras, en effet, car je vais mourir de désespoir si tu me refuses de combattre pour ta vie et pour ta gloire.

— Ô mon fils ! dit l’empereur, tes bras alanguis pourront-ils soulever tes deux sabres ? Le sang amer qui emplit ton cœur attendra-t-il une blessure pour s’échapper ?

— Puisque mon père glorieux me méprise au point de me refuser ce qu’il accorde au plus vil soldat, dit le prince en baissant la tête, la vie, dégoûtée de moi, va s’enfuir de mon corps indigne.

— Eh bien ! dit le Fils du Ciel avec un soupir, va donc ranger derrière le Portail du Sud la quatrième partie de l’armée.

— Merci, sublime père, dit le prince Ling en se prosternant par trois fois.