Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/324

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résistance. Quant à Ko-Li-Tsin, il demeura à genoux, mais il s’assit sur les talons.

Le Fils du Ciel contempla le farouche visage du laboureur qui venait d’ébranler si terriblement la Patrie du Milieu. Tandis que Ta-Kiang, plein de mépris, détournait l’orgueil de son regard, Kang-Shi admirait le rebelle au beau front.

— Ta-Kiang, dit-il après un long silence, ton ambition était démesurée : comme le Tang aux dents avides, tu voulais dévorer le Soleil ; mais le Soleil resplendit plus pur que jamais et tes gencives sont meurtries. Lao-Tze a dit judicieusement : « Plus l’on tombe de haut, plus grande est la chute. » Tu es précipité des sommets du Ciel. Ô laboureur à la grande folie ! tu tombes à terre aux pieds de ton vainqueur.

— Mon vainqueur, ce n’est pas toi, dit Ta-Kiang d’une voix hautaine. J’ai été trahi par les Dieux, par les lâches Dieux exécrés.

Le Fils du Ciel détourna du rebelle son visage obscurci et l’abaissa vers Yo-Men-Li en pleurs.

— Jeune fille, dit-il, faible enfant qui voulais lutter contre des géants, quel Pou-Sah t’a ordonné d’exposer ta jeunesse à la colère des châtiments et de traverser les villes, un sabre rouge à la main, ô toi qui vivais en paix dans ta cabane au toit de sorgho ?

— J’aime Ta-Kiang ! dit-elle.

L’empereur soupira et fit signe d’éloigner Ta-Kiang et Yo-Men-Li. Puis il se tourna vers Ko-Li-Tsin qui était demeuré assis sur ses talons.