Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/325

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— Eh ! eh ! c’est toi, ami Chen-Ton ? dit Kang-Shi.

— Salut, seigneur Lou, répondit Ko-Li-Tsin avec politesse.

— Il faut convenir, reprit l’empereur, que j’ai fort à me louer de t’avoir tiré de l’eau.

— Sans doute, car tu as fait une bonne action.

— S’il m’en souvient, continua l’empereur, tu m’as assez hardiment menti, tandis que nous buvions ensemble sur la terrasse du Bateau des Fleurs.

— Mais, dit le poète, tu ne m’as pas, je crois, parlé avec une franchise au-dessus de tout blâme.

— Il est possible. Sache cependant que je t’avais enfin reconnu et que…

— Tu allais me faire inhumainement reconduire dans la prison d’où je sortais ? Mais Ko-Li-Tsin est fils d’une Rou-Li.


Un jour deux renards se rencontrèrent sur un chemin ; ils s’accostèrent selon les rites.

— Moi, dit l’un, je suis un mouton pacifique qui se promène par la prairie.

— Moi, dit l’autre, je suis une douce gazelle qui viens me désaltérer au ruisseau clair.

Mais après les salutations d’usage, s’étant regardés en face, les deux renards, l’un vers l’est, l’autre vers l’ouest, s’enfuirent épouvantés.


L’empereur ne put pas s’empêcher de sourire.

— Allons, Chen-Ton, dit-il, ton talent pour la poésie apaise ma justice et me fait oublier les crimes que tu as commis. Si tu consens à te repentir et à