Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/326

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t’humilier devant le maître véritable, ta vie sera sauve.

— Seigneur Lou, répondit Ko-Li-Tsin, mon cœur est sensible à ta bonté, mais Meng-Tseu a dit : « Celui qui pour éviter la mort renie ses compagnons vaincus et se range de l’avis du plus fort n’est pas digne de vivre. »

— Meng-Tseu, répliqua l’empereur, a dit aussi : « Celui qui reconnaît son erreur ne s’est pas trompé. » Cependant, puisque tu ne veux pas de la vie, reste fidèle à tes compagnons. N’as-tu rien à demander avant de mourir ?

— À toi, rien ; mais, si tu me le permets, je parlerai à ce respectable mandarin, répondit Ko-Li-Tsin, en désignant l’ancien gouverneur du Chen-Si, devenu Chef de la Table Impériale.

— Je te le permets.

— Ne me reconnais-tu pas, illustre gouverneur ? demanda le poète.

— Je ne t’ai jamais vu, dit le mandarin avec mépris ; et s’il m’était arrivé de te rencontrer, j’aurais promptement oublié ton visage.

— Il n’est pas cependant des plus désagréables, répliqua Ko-Li-Tsin, et tu t’en souviens tout aussi bien que de la promesse que tu m’as faite.

— Moi, je t’ai fait une promesse ?

— Je vais venir en aide à ta mémoire paresseuse. Rappelle-toi le dîner somptueux que tu offris à plusieurs jeunes hommes dans la capitale du Chen-Si. Rappelle-toi ton serment de donner ta fille en mariage à celui qui composerait en moins de dix