Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/328

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où s’amassaient les ombres, une tenture se souleva derrière le trône, et l’impératrice tartare aux pieds libres apparut gémissante et en pleurs.

La glorieuse épouse du Ciel rayonnait comme la pleine lune. Elle portait une robe de satin blanc brodée de perles fines et une tunique de brocart d’argent. Sur sa tête frissonnait une aigrette de pierreries. La pâleur de ses fins poignets se mêlait à la pureté laiteuse des bracelets de jade. Mais, quoique belle, l’impératrice pleurait, et, dans ses longs ongles limpides, elle recueillait les larmes tremblantes au bout de ses cils.

— Doux Repos de la Terre ! dit l’empereur en descendant de son trône et en se dirigeant vers elle, pourquoi tes pleurs coulent-ils après la victoire ?

— Ô Maître puissant ! répondit-elle en appuyant sa tête sur l’épaule de son époux, venge le mieux aimé de mes fils !

— Le prince Ling est mort ! gémit l’empereur, subitement blême.

— Non, il souffre encore. Son beau visage est meurtri et sanglant. Son souffle douloureux sonne lugubrement dans sa poitrine déchirée. Autour de lui les médecins secouent la tête.

— Oh ! cria l’empereur, l’Héritier du Ciel, mon fils bien-aimé, mourir ! Et moi, je me croyais victorieux !

— Venge-le ! dit l’impératrice. Peut-être ne partira-t-il pas pour le pays d’en haut ; mais, vivant ou mort, qu’il soit vengé ! Extermine entièrement toute