Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/342

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plus aucune lueur. Pourtant notre dos est illuminé du reflet brillant des splendeurs anciennes, ces soleils sur l’horizon.

Nous sommes plus désolés que l’oiseau Youen séparé de l’oiseau Yang. Nous sommes domptés. On nous a dérobé notre gloire, notre fierté, notre puissance. Ô législateurs ! ô aïeux ! ne reniez pas vos fils indignes, car c’est encore le sang bouillant autrefois avec orgueil dans nos veines qui, maintenant, immobile dans les cœurs, est semblable à une mer prise par le froid.

Et vous, n’humiliez pas le passé, ô habitants de l’Empire Unique ! Faites fondre votre cœur aux rayons des anciens jours. Prenez courage et foi. Soyez comme cet homme qui, ayant laissé choir dans la mer une perle précieuse, voulut tarir la mer pour reconquérir sa perle. Que tout chemin vous soit bon s’il conduit à votive but. Suivez toute intelligence qui, ne fût-ce que par ambition, se dirige vers l’objet de votre espoir, comme le voyageur las, rencontrant la charrette d’un marchand qui se rend à la ville pour son commerce, ne dédaigne pas de s’asseoir à côté de lui.

Ainsi parle, ô Chinois ! Ko-Li-Tsin, poète et guerrier, de qui la mort est peu lointaine. Gardez-vous de laisser échapper ses conseils comme les doigts laissent fuir l’eau, mais que le désir de la glorieuse délivrance soit gravé dans votre esprit, comme jadis furent gravés les hauts faits des trois souverains sur la carapace de la Tortue Divine !

Pendant que Ko-Li-Tsin, trempant son doigt, comme un pinceau, dans le sang des vaincus, tra-