Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/36

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l’anneau de leur narine, passent d’un air digne, scandant leur marche sur les tintements de la cloche pendue au cou de celui qui est en tête, et dont on perçoit de loin la claire et sonore vibration.

À droite, à gauche, les rues transversales roulent tout autant de gens et de vacarme dans plus de poussière et dans plus d’encombrement. Artère principale à son tour, chacune d’elles reçoit les flots tumultueux de vingt ruelles tributaires. Les principales embouchures ont lieu dans de grands carrefours où s’entassent des sacs de riz et de blé, des monceaux de fruits, des montagnes de légumes et d’immenses quartiers de viande crue. Au-dessus des victuailles, parfois, dans des cages de bois suspendues à des poteaux, apparaissent, hideuses, des têtes de criminels récemment exécutés ; souvent les cages sont brisées, effondrées, et les têtes, retenues seulement par leurs nattes, se balancent horriblement, verdâtres, grimaçantes, effroyables. Meng-Tze a dit : « Il faut des exemples à la foule. » En suivant jusqu’au bout les rues transversales, les mille piétons arriveraient aux faubourgs latéraux de la Cité Chinoise, quartiers spacieux et peu bruyants où des maisons rustiques rampent misérablement dans de petits champs plantés de choux et de riz, où des enfants chétifs, sordides, loqueteux, et quelques chiens efflanqués, furetant dans des tas d’immondices, peuplent seuls des chemins défoncés. Mais les cohues ne se prolongent guère au delà des marchés ; gens affairés ou promeneurs curieux se hâtent, leurs affaires terminées ou leur curiosité satisfaite,