Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/77

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Chen-Si ! Oh ! qu’elle est belle l’épouse que j’obtiendrai dès que j’aurai achevé mon poème philosophique !

Et le poète fit un salut conforme aux rites, en ayant soin de cacher son visage dans ses manches, car il savait que le mandarin, sévère observateur des convenances, ne donnerait jamais sa fille à un homme qu’il aurait surpris, de nuit, dans son jardin.

En dépit de sa colère, le gouverneur fut bien obligé déposer sa lanterne et de joindre les mains pour rendre le salut.

— Bien, bien, chien ! grommelait-il en se courbant avec cérémonie, je serai aussi poli que toi, mais je te romprai de coups tout à l’heure.

Ko-Li-Tsin, habilement, redoublait et prolongeait les saluts.

— Âne sans probité ! disait le mandarin, tandis qu’il pliait le cou et levait les mains à la hauteur de son front, ton dos se souviendra de moi. Misérable, je vais te battre jusqu’à ce que tu crèves sous les yeux de ma fille qui se tordra de rire.

La fenêtre s’ouvrit, et la fille du gouverneur apparut avec sa servante. En même temps, plusieurs domestiques armés de longs bambous sortirent de la maison. Ko-Li-Tsin comprit que ces gens, moins polis que leur maître, ne perdraient pas le temps à lui rendre ses saluts, et résolut de chercher son salut dans la fuite. Le mandarin étendit la main pour l’arrêter, mais il n’attrapa que deux ou trois bribes de franges et qu’un lambeau de ceinture dorée.

Les serviteurs se lancèrent à la poursuite du fu-