Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/296

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tout le pays d’Égypte, ainsi que dans les vases de bois et de pierre. »

Aharon brandit sa verge et en frappa l’eau du fleuve.

La suite de Pharaon attendait le résultat avec anxiété. Le roi, qui portait un cœur d’airain dans une poitrine de granit, souriait dédaigneusement, se fiant à la science de ses hiéroglyphites pour confondre ces magiciens étrangers.

Dès que le bâton de l’Hébreu, ce bâton qui avait été serpent, frappa le fleuve, les eaux commencèrent à se troubler et à bouillonner, leur couleur limoneuse s’altéra d’une façon sensible : des tons rougeâtres s’y mêlèrent, puis toute la masse prit une sombre couleur de pourpre, et le Nil parut comme un fleuve de sang roulant des vagues écarlates et brodant ses rives d’écumes roses. On eût dit qu’il reflétait un immense incendie ou un ciel flamboyant d’éclairs ; mais l’atmosphère était calme. Thèbes ne brûlait pas, et le bleu immuable s’étendait sur cette nappe rougie que tachetaient ça et là des ventres blancs de poissons morts. Les longs crocodiles squameux, s’aidant de leurs pattes coudées, émergeaient du fleuve sur la rive, et les lourds hippopotames, pareils à des blocs de granit rose recouverts d’une lèpre de mousse