Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/90

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Les paroles exprimaient de vagues aspirations, des regrets voilés, un hymne d’amour à l’inconnu, et des plaintes timides sur la rigueur des dieux et la cruauté du sort.

Tahoser, le coude appuyé sur un des lions de son fauteuil, la main à la joue et le doigt retroussé contre la tempe, écoutait avec une distraction plus apparente que réelle le chant de la musicienne ; parfois un soupir gonflait sa poitrine et soulevait les émaux de son gorgerin ; parfois une lueur humide, causée par une larme qui germait, lustrait le globe de son œil entre les lignes d’antimoine, et ses petites dents mordaient sa lèvre inférieure comme si elle se fût rebellée contre son émotion.

« Satou, fit-elle en frappant l’une contre l’autre ses mains délicates pour imposer silence à la musicienne, qui étouffa aussitôt avec sa paume les vibrations de la harpe, ton chant m’énerve, m’alanguit, et me ferait tourner la tête comme un parfum trop fort. Les cordes de ta harpe semblent tordues avec les fibres de mon cœur et me résonnent douloureusement dans la poitrine ; tu me rends presque honteuse, car c’est mon âme qui pleure à travers la musique ; et qui peut t’en avoir dit les secrets ?