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le second rang du collier

spectacle admirable. Elle me traîna presque de force jusqu’au pont ; je ne pus atteindre que le haut de l’escalier, où je me laissai tomber au bord des marches de cuivre. La splendeur de l’aurore, avec ses roses et ses émeraudes, me laissa indifférente et ne me guérit pas. Un marin apitoyé m’aida à gagner un banc, puis il m’apporta un oreiller de crin et du thé.

Cependant, aussitôt que le bateau entra dans les eaux de la Tamise, le mal disparut, et je pus faire honneur au déjeuner, servi sur le pont, et composé d’œufs au jambon, comme les Anglais seuls savent les préparer, de roastbeef et d’excellent pale ale.

Mon père nous attendait à Londres, au débarcadère, et il nous conduisit à l’Hôtel de France, Leicester Square, où un appartement était retenu pour nous. Le soir même, des personnes vinrent nous rendre visite ; entre autre autres, Jules Gérard, le tueur de lions, et un M. S… qui s’offrait à nous servir de cicerone et d’interprète dans la capitale de l’Angleterre, qu’il habitait et qu’il connaissait à merveille. En dépit de ses bonnes intentions, je pris tout de suite ce monsieur en grippe, à cause de la fatigue qu’il nous imposa, en nous tenant éveillées jusqu’à plus de onze heures, le soir même d’un voyage aussi pénible. Il causait abondamment, donnant à mon père toutes sortes de renseignements qui n’en finissaient pas et feignant, à ce que