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le second rang du collier

avait droit à la condition qu’il fût père d’un fils légitime ; veuf et sans enfants, il était décidé à se remarier.

Je ne tardai pas à découvrir que ce projet, favorisé par manière, m’intéressait tout spécialement : un complot s’ourdissait et l’on avait des vues sur moi. Cette idée m’offensa extrêmement et je me préparai à bien recevoir le vieux roquentin, à qui suffisaient, pour fixer son choix, ma parenté avec sa femme et ce nom de Judith, que l’on m’avait donné en souvenir d’elle.

J’observai mon père pour savoir ce qu’il pensait de cette affaire, et je vis qu’il lui était très favorable et l’approuvait complètement.

Cela me fit comprendre qu’il n’y attachait aucune importance et comptait sur moi pour la dénouer : il soutenait toujours, en effet, les prétendants qui n’avaient pas la moindre chance d’être acceptés par nous. Aux autres il était franchement hostile, ne nous cachait pas sa méfiance pessimiste à l’endroit de n’importe quel gendre, qu’il considérait toujours un peu comme un voleur. Il avait d’ailleurs une prodigieuse aversion pour toutes les cérémonies qu’eût entraînées un mariage, les conférences chez les notaires, les contrats, la mairie, l’église…

— Je ne veux pas être à toutes ces machines-là, disait-il souvent ; si je n’ai pas le pouvoir de les empêcher, du moins je ne les subirai pas : je m’en irai !