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Page:Gautier - Le Troisième Rang du collier, 4e éd.djvu/142

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LE COLLIER DES JOURS

D’étonnants paysages défilent : pics lointains auxquels se déchirent des écharpes de brouillard, vallées profondes fuyant à perte de vue, forêts de pins, collines d’un frais velours vert qui ondoient à l’infini… Et, aux stations des rares bourgades, des rares villages, toujours reparaissent sur les barrières, sur les poteaux, le bleu et le blanc du blason royal. Königreich Bayern ! Comme nous sommes heureux d’être dans le domaine du Roi Charmant  ! Nous ne pensons qu’à lui ; nous ne parlons que de lui.

Cette route, où nous roulons en ce moment, il l’a parcourue en sens inverse, une fois, tout seul, en grand mystère, pour aller à Tribschen, surprendre le Maître et « vivre quelques-unes de ces heures solennelles où il avait la joie de le revoir ». Wagner nous avait narré ce voyage du roi :

— C’était le 22 mai 1866, jour du cinquante-troisième anniversaire de ma naissance. De bon matin, en secret, le roi était sorti, à cheval, de son château de Starnberg et il alla prendre, à Biesenhofen, un train qui le conduisit à Lindau ; là il s’embarqua et, à ma profonde stupéfaction, arriva, l’après-midi même, à Tribschen. C’est alors qu’on lui dressa un lit de camp dans