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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

Pas une étoile ne se leva pour moi, que je ne la visse pâlir ;
Pas un espoir que je n’eusse perdu.
Livré au bon plaisir, à la faveur du monde,
Aux jeux vils du gain et du risque,
Tout ce qui en moi luttait pour l’émancipation de l’art
Se vit trahi par le sort, sombra dans la bassesse.

Celui qui, jadis, commanda à la branche desséchée
De reverdir dans la main du prêtre,
Bien qu’il m’eût ravi tout espoir de salut
Et que la dernière illusion consolante se fût évanouie,
Fortifia en mon sein cette foi
En moi que je puisais en moi-même ;
Comme je lui demeurais fidèle,
Il fit refleurir pour moi la branche desséchée.

Ce que solitaire et muet je gardais au fond de moi
Vivait aussi dans le sein d’un autre ;
Ce qui agitait profondément et douloureusement l’esprit d’un homme
Emplissait d’une joie sacrée un cœur d’adolescent ;
Ce qui nous entraînait dans une ardeur printanière
Vers un même but, — conscient…, inconscient…, —
Devait s’épancher comme une joie du printemps :
Double foi, faisant naître une frondaison nouvelle.

Tu es le doux printemps qui m’as paré à nouveau,
Qui as rajeuni la sève de mes branches et de mes ramures ;
C’est ton appel qui m’a fait sortir de la nuit,
De la nuit hivernale qui tenait inerte ma force ;
Ton altier salut, qui m’a charmé,
M’arrache à la souffrance dans une joie soudaine