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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

mince nombre de vrais amis, dont la sympathie clairvoyante fait ma seule gloire. Je n’ai rien à corriger dans vos articles, rien à vous recommander ; seulement, je me suis aperçu de ce que vous ne connaissez pas encore de près les Maîtres Chanteurs. L’introduction du troisième acte a singulièrement touché notre public ; mon barbier m’a dit, l’autre jour, que ce morceau lui avait plu de préférence, ce qui m’a fait réfléchir sur l’instinct incommensurable du peuple.

Au lever du rideau de ce troisième acte, on voit Hans Sachs dans son atelier de cordonnier, au grand matin, assis dans sa chaise de grand-père, parfaitement absorbé par la lecture de la chronique du monde. Il parle à son jeune garçon apprenti, sans interrompre l’état de concentration complète de son esprit sur son sujet de lecture. Après la sortie du garçon, la tête toujours penchée sur son énorme volume, il ne fait que continuer ses méditations, jusque-là silencieuses, par ces mots prononcés enfin à haute voix : « Wahn ! Wahn ! überal Wahn ! » ce que je ne saurai pas traduire puisque « folie ! partout de la folie ! » ne rend pas le sens de « Wahn », qui est beaucoup plus général et exprime aussi bien l’objet de la folie que la folie elle-même.

Dieu sait comment mon public a deviné d’avance, dans cette introduction instrumentale dont nous parlons, la situation suivante et l’état de l’âme de mon Hans Sachs.

Le premier motif des instruments à cordes a été entendu, il est vrai, en même temps que le troisième couplet du chant du cordonnier, au deuxième acte. Il exprimait là une plainte amère de l’homme résigné qui montre une physionomie gaie et énergique au monde.

Ève avait compris cette plainte cachée et, navrée au