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Page:Gautier - Le Troisième Rang du collier, 4e éd.djvu/222

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LE COLLIER DES JOURS

Alors je revois brusquement Tribschen, le cadre superbe qui convenait si bien au Maître. Je pense qu’à cette heure, entre les hautes montagnes, l’ombre enveloppe la chère maison, qui n’a plus son âme, et que celle qui, par l’esprit, suit l’absent a le cœur serré d’inquiétude.

Comme c’est singulier de retrouver Wagner dans cet intérieur étroit et mesquin !… Pourtant, dès qu’il est là, on ne voit plus que lui : il rayonne sur tout ce qui l’entoure.

— Eh bien, chère amie, me dit-il, nous voilà en pleines « misérabilités » ! Je ne regrette pas que vous soyez témoin de cet événement qui m’amène ici, car il y a des choses qui demeurent incroyables, si on ne les a pas vues.

— Mais le roi, que dit le roi ?…

— Ah ! j’ai idée qu’il feint d’ignorer la débâcle et ne veut pas prendre parti. On lui a certainement persuadé que la mise en scène est eneffet irréalisable et qu’il est impossible de faire mieux ; le plaisir que lui a causé l’audition de la musique, il veut le renouveler et dit à ses subordonnés : « Arrangez-vous, mais donnez-moi la première représentation de l’Or du Rhin le plus tôt possible ». Comment pourrait-il croire, lui qui a commandé de ne pas ménager le temps, lui qui